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jeudi 17 mai 2018

Cupressi: Les poèmes latins de Karl Heinrich Ulrichs à la mémoire du roi Louis II de Bavière

Karl Heinrich Ulrichs

Le journaliste et juriste allemand Karl-Heinrich Ulrichs (28 août 1825, Aurich - 14 juillet 1895, L'Aquila) est considéré aujourd'hui comme un pionnier de la sexologie et un précurseur du militantisme homosexuel et des mouvements d'émancipation LGBT qui émergent en Europe au milieu du 19e siècle. 

Il lança une théorie biologique du « troisième sexe » (le terme « homosexualité » n'est pas encore forgé), théorie résumée dans l'expression « une âme de femme dans un corps d'homme ». Il est un des premiers à parler positivement et « scientifiquement » (au sens des sciences humaines) de l'attirance sexuelle entre personnes de même sexe. Les mots homosexuel et hétérosexuel n'apparaissant qu'à partir de 1869, il parle de types ou de personnalités uranien/ne et dionysien/ne.

Il publia ses études d'abord sous le pseudonyme de Numa Numantius, puis sous son vrai nom, ce qui, par la même, tend à rendre son orientation sexuelle publique. En 1866, la Prusse de Bismarck envahit et annexa le royaume de Hanovre : Ulrichs est alors accusé d'activités subversives et emprisonné. Ses écrits sont saisis. Il est ainsi considéré comme le premier homosexuel à avoir fait son « coming out ». Il finit par s'exiler en Italie.

Cupressi: Carmina in memoriam Ludovici II Regis Bavariae

Il publia en 1886 un recueil de poèmes élégiaques partiellement consacrés à la mémoire du roi Louis II de Bavière, et entièrement composés en latin. Ce recueil ne rencontra pas un grand lectorat, sans doute parce que la langue en était trop élitiste.

On comprendra aisément que Ulrich montrât de la sympathie et de la compassion pour le roi qui s'était vu privé de liberté et avait été emprisonné dans sa villa de Berg sur le Starnberger See. Il termine son 5ème poème, Villa regia Berg (La villa royale de Berg), que nous retranscrivons ci-dessous, par le vers “Caerula linter ad libertatem sic fuit unda tibi” ("Les flots te servirent de vaisseau vers la liberté") . 

Les poèmes à la mémoire du roi Louis II occupent seulement la moitié du mince volume qui ne fait que 18 pages, ils suivent la traduction de poèmes de Goethe, “Ueber allen Gipfeln ist Ruh”, et un long poème consacré à sa propre enfance en Frise orientale. Ulrichs termina la traduction de ce recueil en décembre 1886, il le fit imprimer et en expédia des copies aux librairies et aux journaux en février 1887.

"Villa regia Berg (Cupressi, 5)

Murmurat unda canens. Sonat, et sua littora pulsans
Volvitur ad flexas leni cum carmine ripas.
Murmurat unda QUIES. REQUIES levis unda susurrat.
Num fortasse tibi sua mollia murmura fundit?
Spuma sonans crispis allabitur alba coronis,
De tacito cantans somno mitique sopore.
Stat lacus ex alto fulgens et ab aethere tinctus,
Caeruleo condens arcana silentia velo.
Nansque lacu, liquidis canit humida Nais in undis:
HIC EST PAX. Canit unda: VENI! Audisne? VENITO!
HIC PATET AD LETHES OBLIVIA JANUA CORDI.
HIC SUB AQUIS ITER EST. Audisti. Caerula linter
Ad libertatem sic fuit unda tibi."

Bibliographie

Cupressi : carmina in Memoriam Ludovici II. Regis Bavariae ; † 13. Junii 1886 ; additis: Cantu sepulcrali, idyllio elegiaco "Ex infantia" et versibus in tumulum pueri, Pinn, 1887.

Il existe une traduction de ces poèmes en anglais : A Casket of Cypress Wood: Lyric Poems in Memory of Ludwig II, King of Bavaria. 1887; trans. M. Lombardi-Nash. 2nd ed. Jacksonville, Florida: Urania Manuscripts, 2000. 24 pp.

DE 
Traduction allemande du Dr Wolfram Setz (historien, éditeur, traducteur et essayiste allemand), publiée dans Karl Heinrich Ulrichs, Matrosen-geschichten und Gedichte, Bibliothek rosa Winkel, Bd.18, Verlag rosa Winkel, Berlin, 1998. pp. 146 et 147. Avec l'aimable autorisation du Dr Wofram Setz.

Villa regia Berg

Die Welle murmelt und singt. Die Gestade berührend
pflanzt sie sich fort mit leichtem Gesang am gewundenen Ufer.
"Stille" murmelt die Welle, "Erquickung" flüstert sie leise.
Hat sie nicht dir ihr sanftes Gemurmel geflüstert?
Gleitet heran, aufschäumend und weiß mit zackigen Kämmen,
Singt von Ruhe im Schlaf, von sanfter Betäubung.
Steht da der See, aufglänzend tief und in himmlischer Farbe,
Birgt unter blauem Gezelt er schweigend Geheimes.
Es schwimmt im See und singt in den Wogen die Nymphe:
"Friede ist hier". Und die Welle singt: "Komm! Hörst du’s? So komm doch!
Hier eröffnet sich deinem Herzen das Tor zum Vergessen.
Hier im Wasser zeigt sich ein Ausweg."
Du hast es gehört. Ein Nachen, himmelblau,
zur Freiheit war die Welle für dich.

Nouvelles traductions

IT Le cinquième poème vient de recevoir une très belle traduction italienne de Madame Rossana Cerretti:

"Villa regia Berg (Cupressi, 5)

Mormora l’onda cantando. risuona e le sue sponde battendo rivolge alle ricurve rive con lieve canto.
Mormora l’onda "Quiete". "Riposa" sussurra la lieve onda. 
Forse per te riversa i suoi dolci mormorii? 
La spuma bianca risuonante si insinua piano con ondeggianti corone, cantando del tacito sonno e del mite torpore.
Sta immobile il lago, rifulgendo dalle cime, tinto del colore del cielo, nascondendo dietro un ceruleo velo arcani silenzi.
Fluttuando nel lago canta un’umida Naiade nelle liquide onde:“Qui è la pace.” Canta l’onda: “Vieni!” Hai sentito? “Andiamo!” 
“Qui si apre al cuore la porta agli oblii del Lete. 
Qui sotto le acque è la via.” Ascoltasti. 
Navicella azzurra verso la libertà così fu per te l’onda."

FR
Dont voici ma traduction libre en français:

"La villa royale de Berg (Cupressi, 5)

La vague murmure en chantant, résonne et en battant les berges s'en revient aux rives incurvées avec un chant léger.
L'onde murmure "Sois en paix". "Repose-toi", sussure la vague légère.
Peut-être est-ce pour toi qu'elle verse ses doux murmures?
L'écume blanche résonnante s'insinue lentement avec des couronnes ondulantes, chantant le sommeil silencieux et la douce torpeur.
Le lac reste immobile, resplendissant depuis les cimes, teint de la couleur du ciel, cachant derrière un voile céruléen de mystérieux silences.
Une naïade toute mouillée ondoie dans le lac et chante dans l'onde fluide: "Ici se trouve la paix." Et la vague chante: "Viens! As-tu entendu? « Partons! 
Ici la porte de l'oubli du Léthé s'ouvre à ton coeur.
Ici au-dessous des eaux est la voie.  Tu as entendu.
Les flots t'ont servi de vaisseau vers la liberté."

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